Benjamin Biolay

[Bérurier]

Vivre et penser comme
Benjamin Biolay et Chiara Mastroianni
Une table de nuit, des musiques, un frigo, des restaurants, une couleur... Parfois on voudrait en savoir plus sur une personnalité. Nous l'avons fait pour vous cette semaine avec le couple chantant.
AU STYLO, SÉBASTIEN LE FOL
[26 juin 2004]

Avec leur album Home, Benjamin Biolay et son épouse, Chiara Mastroianni, viennent de signer la bande-son de la génération post soixante-huitarde. Un petit chef-d'oeuvre d'élégance et de désenchantement. A écouter cet été en alternance avec la B. O. du film Clara et moi, réalisée par le même Benjamin.

Notre rendez-vous

Au premier étage du café Les Editeurs (4, carrefour de l'Odéon, Paris VIe), le jeudi 10 juin à 16 heures. Les époux Biolay sont en jean et tee-shirt. Benjamin fume cigarette sur cigarette. Chiara a du mal à se dépêtrer d'un touriste sud-américain mal élevé qui l'a reconnue et la harcèle.

Qu'est-ce qui caractérise votre génération ?

Chiara : une forme de lucidité face aux choses de la vie.


Benjamin : avoir 30 ans aujourd'hui, c'est avoir vu deux tours s'effondrer en mondovision.

Que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ?

Chiara : j'assistais à un festival de cinéma à Toronto. J'ai allumé la télévision pour voir l'heure. Le premier avion venait de s'encastrer dans la tour. J'ai vu le second arriver en direct. J'ai beaucoup paniqué parce que mon fils était en France ce jour-là. J'ai ressenti une forme de culpabilité.

Benjamin : j'enregistrais dans un studio à Bruxelles, à 100 mètres du QG de l'Otan. Aussitôt, je me suis fait du souci pour Henri Salvador, qui devait dormir à l'hôtel Marriott cette semaine-là.

Votre définition du bonheur

Chiara : savoir profiter de l'instant.


Benjamin : réussir à être serein. J'ai plein d'images du bonheur dans la tête : la famille avec le chien et le break, Johnny Hallyday sur la route avec sa moto, les gens qui font de la voile.

Lieux de repli

Chiara : partout hors de Paris ; à la campagne ; chez nous.

Benjamin : un bar PMU.

Pour faire fuir un raseur

Benjamin : on marche vite.

Chiara : je regarde mes pieds. Il ne faut surtout pas mettre de lunettes de soleil.

Lectures de chevet

Benjamin : Gatsby le Magnifique, de Francis Scott Fitzgerald. C'est le premier livre que j'aie lu par moi-même. On me l'a offert à l'âge de 16 ans. J'ai été frappé par l'élégance et le désespoir de Gatsby.


Chiara : nous sommes très fans de littérature américaine. Philip Roth, par exemple.

Benjamin : il y en a plein d'autres : John Fante, Bret Easton Ellis, les livres publiés par les éditions de l'Olivier.

Un livre maudit

Benjamin : l'Attrape-Coeurs, de Salinger. Je le déteste parce qu'il a tué le plus grand artiste du XXe siècle, John Lennon (NDLR : le roman a été retrouvé dans la poche de son assassin).

Le lieu commun que vous détestez

Benjamin : entendre dire que je suis Rive gauche...

Chiara : c'est de ma faute. C'est moi qui ai voulu que nous emménagions à Saint-Germain-des-Prés. Benjamin habitait à Ménilmontant avant.


Benjamin : et être comparé à Gainsbourg.

Chiara : tu n'as pas sa couleur de cheveux pourtant.

La personne que vous aimeriez rencontrer

Benjamin : Eminem ou Michael Jordan. Simplement pour les observer.

Chiara : Buzz Aldrin, l'homme qui a marché sur la Lune.

Films cultes

Benjamin : Platoon, les Sentiers de la gloire, Johnny Got His Gun...

Chiara : Apocalypse Now, Shining, Maris et Femmes.

Benjamin : on adore aussi les frères Coen, Tom DiCillo (Une vraie blonde) et Todd Solondz (Happiness).

Chiara : j'ai été très influencée par Tex Avery.

Dress code


Chiara : enfant, j'étais attirée par le défilé des belles robes à Cannes. Aujourd'hui, je conçois davantage la mode comme une forme de bien-être.

Benjamin : j'aime ce qui est sobre, intemporel.

Chiara : je n'aime pas être soumise au diktat des tendances.

Benjamin : pour moi, John Fitzgerald Kennedy est l'élégance faite homme, tant dans le vêtement que dans la coiffure. Hedi Slimane est un grand artiste.

Définition de l'élégance

Chiara : dans un monde où tout le monde donne son avis sur tout, le silence et la réserve apparaissent comme deux formes d'élégance.


Benjamin : François Mitterrand et Philippe Séguin lors de leur débat avant le référendum sur le traité de Maastricht. Ils étaient tous les deux d'une classe folle.

Chiara : Sagan aussi est d'une classe folle.

Benjamin : Edmonde Charles-Roux...

Votre geste le plus fou

Chiara : nous sommes toujours les derniers à nous rendre compte que nous avons fait un truc fou.

Benjamin : partir de chez mes parents, jeune.

Chiara : je ne l'ai peut-être pas encore accompli, ce geste.

Geste préféré chez l'autre

Chiara : le regarder fumer. Mais j'aimerais bien qu'il arrête.

Benjamin : quand elle passe sa main dans ses cheveux.

http://www.lefigaro.fr/magazine/20040625.MAG0005.html