Connaître la différence entre un disque médiocre, un bon disque et un excellent n'est pas très compliqué. Il suffit de lui faire subir le test de l'usure du temps. Par exemple le mettre dans un lecteur CD sur la route ou chez soi et le passer ad vitam aeternam jusqu'à ce que mort s'ensuive. On n'a pas fait le test, mais gageons qu'une galette de Vincent Delerm ne tiendra pas six heures. Le dernier Murat détiendra le score de 1829 jours. Benjamin Biolay quant à lui, pourra s'offrir le luxe d'être inusable.
C'est donc l'histoire d'un garçon enfin épanoui, prodigieusement créatif et inventeur d'un genre nouveaux sans possibilité de se faire caricaturer qui sort son troisième album. Fini les sanglots longs des violons empathiques, strangulé dans l'œuf la Gainsbourg attitude de "Négatif", c'est la Télécaster hurlante additionnée à l'invention d'un son propre à sa fratrie inauguré par "Home" puis poursuivie dans le dernier album de sa sœur pour s'éprendre pleinement ici dans cet origine d'un nouveau monde qui pousse le critique à vous conseiller ce disque. Réglant quelques comptes sur le rythme d'un rock endiablé sur "Ma Chair est Tendre", prenant une égérie pop (Françoise Hardy) pour lui donner la réplique sur "Adieu Triste Amour", Benjamin Biolay persiste à croire que les histoires d'amour finissent mal en général et que le bonheur n'est pas consigné dans ses bagages.
Les quatorze pistes sont réglées comme une montre de précision suisse pour vous faire prendre les montagnes russes d'un looser cocu qui se situe entre le plaisir de rire et de faire le brave ou le désir de pleurer sa rage. Plongeant pleinement du coté sombre avec un talk-over langoureux ou brutal, l'alcool aidant des écorchés vifs, il enroule sa voix de plus en plus agressive sur des orgies musicales parfois électriques, parfois rappeuses sortis du "Ground Zéro Bar", sinon en se finissant à bout de souffle, marqué par le sang dans le dos d'une balade de demoiselle. Magistral.
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la douleur m'éventre,
mais je ris dès que je peux
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